La location d’art, vers un nouveau luxe ?

7 octobre 2015

identite-singuliere

 

Acquérir une œuvre artistique s’inscrit habituellement dans une démarche précise, exigeant savoir et capacité financière. Qu’il s’agisse d’un achat ponctuel ou d’un investissement de collectionneur, cet acte engage dans la durée.

 

Pensée pour aller à l’encontre de cet engagement, la location semble répondre à des problématiques contemporaines. En opposition à un marché figé, qui pourrait s’essouffler, la location d’œuvres vient apporter un vent de renouveau. Multipliant le nombre de transactions, elle donne du rythme à un univers feutré et peu réactif.

 

Aussi, la location s’arroge une visée didactique et démocratisante. Véritable marché dans le marché, les professionnels mettent tout en œuvre pour attirer de nouveaux clients. Le profane reçoit une formation pour l’aider dans ses choix et l’accompagner, les durées de jouissances sont définies en fonction de ses besoins et moyens, et en cas de coup de cœur, le contrat de location peut même déboucher sur un achat. Ici tout est modulable. L’art devient accessible à un plus grand nombre, il peut même s’inviter chez tout un chacun et se partager. Il devient une expérience, et s’inscrit dans la tendance actuelle de la mutualisation.

 

La vie de l’œuvre en elle-même en est alors chamboulée. Grâce à la location elle va pouvoir se mouvoir de foyer en foyer, multipliant les regards. Si cette visibilité accrue profite aux artistes émergents, elle pourrait être perçue comme une surexposition néfaste pour les artistes installés. La conception du marché de l’art s’en trouve alors remise en cause.

 

En effet, aurait-on dépassé le stade de la possession durable pour se rapprocher du principe de jouissance éphémère ? Passe-t-on du luxe à la mode ? L’art, qui a priori était conçu pour durer devient-il une affaire de caprices et de collections ? Presque tout ce qui nous entoure aujourd’hui peut faire l’objet d’un contrat de location : voiture, logement, téléphone, électroménager, même yacht et jet-privé. Alors pourquoi pas l’art après tout ?

 

Nous pensons que si dans un premier temps il y a inévitablement démocratisation, une nouvelle stratification entre clients et non clients _propre au luxe_ pourra s’opérer par la location même. Une œuvre d’art en location pourra ainsi devenir totalement inaccessible, tant par sa valeur vénale mais surtout par le fait qu’elle ne soit pas proposée à la vente. La seule façon de la posséder quelques instants serait de la louer. Proposer des œuvres sur le marché de la location pourrait paradoxalement contribuer à rendre une certaine forme d’art totalement inaccessible, et reviendrait aux fondamentaux du luxe.